Kalenzi, Paul (2017) Croix et reconciliation: 1994 au Rwanda: Memoire du deuxieme cycle de theologie. Masters thesis, Centre Sèvres.
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PDF (Croix et reconciliation: 1994 au Rwanda: Memoire du deuxieme cycle de theologie)
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Abstract
La croix est depuis de nombreux siecles le symbole le plus reconnaissable du christianisme. Au niveau le plus elementaire elle represente Ia mort atroce et pitoyable de Jesus, un juif crucifie autour des annees 30 sous les ordres de Ponce Pilate, gouverneur romain de Ia Judee1• Pour les disciples de Jesus, cependant, Ia croix est vite devenue le symbole d'un evenement dont profite l'humanite dans son ensemble. Contre toute apparence, Ia mort de celui qu'ils appelaient le Christ n' eta it pas un scandale ; elle etait plutot une bonne nouvelle parce que « le Christ est mort pour nos peches »2.3 Une affirmation aussi audacieuse et universelle n'aurait de sens qu'a Ia lumiere de Ia conviction des disciples: que Dieu a ressuscite Jesus d'entre les morts et l'a ainsi revele comme Fils de Dieu; car c'est uniquement un etre a Ia fois divin et humain qui peut pretendre mourir pour toute I 'humanite et qui peut ressusciter, confmnant de cette fayon sa victoire sur le peche et Ia mort (Cf. Rm 6.9; 1 Co 15.56-67). L'affirmation « le Christ est mort pour nos peches » n'aurait egalement de sens que si !'on admet que les etres humains soot pecheurs et qu'ils ant besoin d'etre delivres du peche et de ses effets : Ia mort de Jesus sur Ia croix etant done le moyen par lequel Dieu, dans sa misericorde, sauve l'humanite du peche. Finalement, !'affirmation « le Christ est mort pour nos peches » a du sens si le peche est considere comme un obstacle important a Ia relation de 1 'humanite avec Dieu : Ia delivrance du peche est done necessaire pour que l'humanite entre en relation positive et reelle avec Dieu. Cependant, !'expression « le Christ est mort pour nos peches » souleve Ia question: comment precisement Ia mort de Jesus sauve-t-elle l'humanite du peche ? Comment enleve-telle le peche et permet-elle de vivre en amitie avec Dieu ? II semble que les premiers ecrivains chretiens n'ont pas su expliquer comment Ia mort de Jesus apporte le salut sans recourir a uneventail de metaphores. Chez Paul, par exemple, on peut identifier quatre images ou modeles de l'reuvre de Jesus sur Ia croix: Ia redemption (Jiee a !'idee du rachat), !'expiation (proche de Ia notion du sacrifice), Ia justification et la reconciliation. Cet ancien usage de plusieurs metaphores indique, d'abord, que Ia realite du salut par la croix de Jesus n'est pas facile a comprendre ni a exprimer. Ensuite, il indique qu'aucune metaphore ne peut circonscrire le mystere qu'est l'reuvre de Jesus pour l'humanite sur Ia croix. Enfin, il revele un langage tire et adapte a un contexte culture! particulier, un langage qui parle de la relation avec Dieu en termes de relations humaines. Ceci doit encourager les chretiens contemporains a developper un langage soteriologique approprie a leur milieu, d'autant plus que certaines de ces anciennes metaphores peuvent apparaitre obscures et incomprehensibles aujourd'hui. Un exemple particulierement remarquable de !'usage d'un langage contextuel pour exprimer le mystere du salut se trouve dans la theologie latino-americaine de la liberation. Le salut est ici compris en termes de liberation d'une pauvrete generalisee, de !'exploitation et de !'exclusion. Les pauvres aujourd'hui peuvent s'attendre a une liberation semblable a celle d'Israel de la captivite et de !'oppression en Egypte. Plus universellement, Jesus, par sa vie, sa mort et sa resurrection libere toute l'humanite du peche, cause ultime de Ia discorde, de !'oppression et de la misere4• Jesus etait pleinement implique dans le combat contre le mal, et il est toujours en solidarite avec les crucifies de la terre5• Mais Jesus ne fait pas que souffrir pour et avec les pauvres : il les invite avec tous les gens de bonne volonte a reuvrer avec lui dans la lutte contre le regne du peche qui est encore trop present6• L'reuvre du salut commencee par Jesus s'achevera quand le peche, sous toutes ses formes oppressives, sera fmalement vaincu. Nous n'avons pas !'intention de faire ici une critique approfondie de la soteriologie de la liberation. Nous souhaitons seulement attirer !'attention sur sa methode d'interpreter l'reuvre salvifique de Jesus a partir d'un contexte particulier, dans le cas present, celui de l' Amerique latine. Cette methode est a la fois la force et la faiblesse de la soteriologie de la liberation : force parce qu'elle rend le salut comme une realite concrete dans le monde et dans l'histoire humaine. Le peche, par exemple, est compris comme la violence des puissants contre les faibles et lesinnocents. Une telle interpretation trouve un echo dans les evenements autour de la crucifixion de Jesus et dans Ia souffrance de beaucoup de gens dans le monde aujourd'hui. De meme, le langage de liberation peut etre considere comme un rendu fidele des aspirations des opprimes et de la mission de Jesus 7• Cependant, le modele de la liberation souffre de la meme faiblesse que toute autre metaphore quand il est absolutise. L'reuvre salvifique de Jesus n'est pas reductible a une liberation purement politique et sociale; le peche n'est pas non plus qu'un conflit entre les oppresseurs riches et puissants d'un cote, et les opprimes pauvres et faibles, de !'autre cote. Dans la pratique, en effet, il y a un danger reel que les opprimes utilisent des moyens violents pour gagner leur liberte; ou bien que, des qu'ils se trouvent en position de pouvoir, les opprimes deviennent les oppresseurs a leur tour. Dans les deux cas, le cycle d'oppression continue et Ia vraie liberation n'est jamais realisee. Les theologiens de Ia liberation n'ont peut-etre pas souligne suffisamment que l'objectif ultime du salut n'est pas Ia liberte en elle-meme, mais la communion avec Dieu et avec tous les etres humains. 8 Ayant conscience de cette critique, et pourtant adoptant la meme methode pour etudier le salut a partir d 'un contexte particulier, no us proposons la reconciliation com me cle d'interpretation de l'reuvre de Jesus sur Ia croix pour notre temps. En commun avec Ia soteriologie de la liberation, la reconciliation parle aux aspirations de nos contemporains a une epoque ou la difference est devenue source de division et de conflit entre des communautes et ou elle a conduit a Ia forme Ia plus aboutie de !'exclusion et de !'injustice : !'elimination de !'autre dans l'acte de genocide. La reconciliation se rapporte directement aux efforts pour guerir et pour renouer des relations apres le conflit genocidaire, voire tout conflit qui crucifie et tue un peuple. Plus que Ia metaphore de la liberation, Ia reconciliation souligne l'amitie comme but du salut ; elle peut done offrir un moyen de parvenir a Ia communion et d'eviter le conflit perpetuel. Avec les theologiens de la liberation, nous posons la question, « D 'oit devons-nous reflechir pour que 1' interpretation de I' reuvre de Jesus sur la croix ait un sens a notre epoque ? » ll y eut des initiatives de reconciliation dans de nombreuses regions du monde ces dernieres annees, notamment en Afrique du Sud, au Chili, en Irlande du Nord et au Rwanda. Le cas du Rwanda sera notre point de reference puisqu'il represente pour beaucoup d'Africains Ia consequence Ia plus tragique des conflits ethniques latents dans beaucoup de nos pays. Comme l'historien S. Audoin-Rouzeau le fait remarquer: « Le genocide des Tutsi du Rwanda est, du point de vue des sciences sociales, l'evenement le plus important de Ia fin du XXe siecle auquel elles puissent se confronter »9• Pendant le genocide rwandais, un voisin a massacre un voisin; plus de 800 000 tutsis et hutus moderes ont ete tues en 100 jours et cela dans un pays ou 90% de la population fait profession de foi chretienne et ou 70% est catholique. J'etais collegien en Ouganda, un pays voisin, au moment du genocide. Avec d'autres eleves, j'ai ete horrifie de voir des cheveux humains dans l'eau de notre robinet: l'eau venait du Lac Victoria, le lieu du dernier repos de nombreuses victimes du genocide jetees dans le fleuve Kagera au Rwanda. J'ai partage le desarroi de beaucoup d'africains, mais j'ai ete egalement vivement conscient que je partageais la meme identite tutsie que la majorite des victimes, conscients qu'ils etaient tues pour rien d'autre que pour leur identite, la mienne. A Ia suite du genocide, le nouveau regime au Rwanda s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas juger tous les auteurs allegues. 11 a done institue, en 2004, une forme de justice traditionnelle qui s'appelle gacaca dans laquelle les communautes locales ont juge les suspects. Des que les auteurs du genocide ont ete liberes de prison, ou bien pardonnes par les tribunaux gacaca, ils rentraient dans leurs villages pour vivre a cote des personnes qu'ils avaient pourchassees comme du gibier, des personnes dont les proches avaient ete extermines par ces memes auteurs. Le gouvemement, l'Eglise et d'autres institutions religieuses, ainsi que les organismes nongouvemementaux, ont encourage les victimes et les coupables a se reconcilier et a trouver les moyens de vivre ensemble sans retomber dans l'ideologie et les pratiques dangereuses qui avaient conduit au genocide. Les efforts de ces hommes et de ces femmes, qui menent un combat pour se reconcilier entre eux et avec Dieu, sont une veritable ressource dans Ia formulation d'une reponse a la question theologique du salut. Dans le langage de Vatican II, ces efforts peuvent etre consideres comme « un signe des temps » : un appel a interpreter a nouveau les principes de notre foi et a les vivre dans notr
Item Type: | Thesis (Masters) |
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Subjects: | B Philosophy. Psychology. Religion > BV Practical Theology |
Divisions: | Afro-Christiana Jesuitica |
Depositing User: | Geoffrey Obatsa |
Date Deposited: | 25 Jan 2018 12:54 |
Last Modified: | 25 Jan 2018 12:54 |
URI: | http://thesisbank.jhia.ac.ke/id/eprint/3192 |
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